Le projet de constitution, qui sera soumis au référendum la 16 novembre 2024, est un texte ambitieux qui souhaite moderniser le Gabon. Cependant, certains aspects soulèvent des inquiétudes majeures. Voici dix raisons pour lesquelles ce texte pourrait ne pas répondre aux attentes et nécessiterait des amendements avant d’être adopté.
1. Pouvoir Présidentiel Excessif
Malgré la décentralisation annoncée, la présidence conserve un pouvoir étendu, notamment sur la diplomatie (traités et accords internationaux) et les révisions constitutionnelles. Cette concentration de pouvoirs pourrait compromettre l’équilibre des institutions, laissant peu de place aux contre-pouvoirs.
Article 162 : Le président conserve une grande autorité sur la diplomatie, notamment la négociation et la ratification de tous les accords internationaux, ce qui centralise le pouvoir au sommet de l’État.
Article 167 : En matière de révision constitutionnelle, l’initiative de la révision peut venir du Président ou du Parlement, mais le Président peut, dans certains cas, éviter le référendum et obtenir une révision par le Parlement réuni en Congrès. Cette capacité limite le contrôle démocratique et le pouvoir du peuple sur les changements constitutionnels.
2. Insuffisance des Droits Numériques
Aucune disposition spécifique n’est prévue pour protéger les droits numériques des citoyens gabonais, un enjeu pourtant crucial à l’ère moderne. Les droits à la confidentialité en ligne, la protection des données personnelles et la cybersécurité ne sont pas mentionnés explicitement. Cette constitution ne protège pas clairement les droits numériques des citoyens. Cette lacune expose les citoyens aux risques liés à l’usage croissant des technologies.
3. Rigide Immuabilité de Certains Principes
Certains principes fondamentaux ne peuvent être révisés. Si cette rigidité vise à protéger les valeurs fondamentales du Gabon, elle peut aussi empêcher toute évolution future nécessaire, notamment pour répondre aux besoins changeants de la société.
Article 169 : Certains principes sont inamovibles, comme le caractère pluraliste de la démocratie et le nombre des mandats présidentiels. Bien que cela vise à préserver la stabilité, cette rigidité excessive pourrait empêcher de futures réformes nécessaires pour s’adapter aux évolutions sociales et politiques.
4. Encadrement Minimal de la Protection Environnementale
Bien que les accords environnementaux internationaux soient mentionnés, la constitution ne prévoit aucun droit explicite pour les citoyens à protéger leur environnement. À une époque où la crise climatique devient urgente, ce manque d’engagement risque de freiner les initiatives locales et la responsabilité écologique de l’État.
Articles 163 et 164 : Bien que les traités environnementaux internationaux soient mentionnés, il n’y a pas de droit explicite des citoyens à un environnement sain dans la constitution. Cette absence pourrait limiter l’action citoyenne et les pressions locales en faveur de politiques écologiques ambitieuses.
5. Autonomie Locale Restreinte dans la Décentralisation
Les collectivités locales sont censées gagner en autonomie, mais elles dépendent en grande partie de l’État pour leur financement. Cette situation rend la décentralisation plus théorique que réelle. Sans ressources propres, les collectivités locales pourraient être limitées dans leurs actions, réduisant l’impact positif attendu sur le développement local.
Articles 155 à 159 : Les collectivités locales doivent bénéficier de ressources pour gérer leurs compétences. Cependant, la constitution n’assure pas une autonomie financière suffisante aux collectivités locales, les rendant dépendantes de l’État pour des dotations annuelles. Cette dépendance limite leur capacité à agir indépendamment et freine le développement local promis.
6. Limitation des Consultations Locales
Les consultations locales sont possibles, mais encadrées strictement. Les citoyens ne peuvent s’exprimer que sur des sujets « ne relevant pas du domaine de la loi, » ce qui restreint l’expression de la volonté populaire. Cette limitation risque de réduire l’engagement civique et l’implication des Gabonais dans les décisions locales.
Article 160 : Les consultations locales sont limitées aux problèmes « ne relevant pas du domaine de la loi. » En d’autres termes, les citoyens ne peuvent exprimer leur opinion que sur des sujets spécifiques, ce qui pourrait réduire leur participation à des questions d’importance et restreindre la voix des communautés sur les décisions locales.
7. Ambiguïtés dans les Dispositions Transitoires
Les institutions de transition sont prévues dans la constitution, mais sans calendrier clair pour leur mise en place ou leur dissolution. Cette absence de précision soulève des inquiétudes quant à la transparence et à la durée d’existence de ces institutions, qui pourraient perdurer au-delà de la période transitoire.
Articles 170 et 171 : La durée des institutions de transition n’est pas clairement définie, ce qui pourrait conduire à une situation où ces institutions demeurent en place plus longtemps que prévu. Cette ambiguïté laisse place à des interprétations qui pourraient prolonger le contrôle temporaire et créer un climat d’incertitude politique.
8. Absence de Dispositifs Clairs de Résolution des Conflits de Compétence
Les conflits de compétence entre collectivités locales et l’État sont prévus dans le texte, mais les moyens de les résoudre sont flous. Le contrôle de tutelle exercé par le représentant de l’État peut entraîner des conflits d’intérêts et des blocages administratifs, freinant l’autonomie des collectivités locales.
Article 161 : En cas de conflits entre collectivités locales ou entre celles-ci et l’État, le contrôle est assuré par le représentant de l’État, qui veille au respect des intérêts nationaux. Toutefois, ce contrôle de tutelle peut créer des conflits d’intérêts et ralentir la résolution des litiges, en réduisant l’indépendance des collectivités locales.
9. Risques d’Abus dans la Révision de la Constitution
La possibilité pour le Président de recourir au Parlement pour modifier la constitution sans consultation populaire (sous certaines conditions) peut réduire le rôle des citoyens dans des changements cruciaux. Ce point pourrait affaiblir la démocratie participative et permettre des révisions futures sans l’approbation directe du peuple gabonais.
Article 167 : Le président peut recourir au Parlement en Congrès pour faire passer une révision constitutionnelle sans référendum, sous certaines conditions. Cela pourrait permettre de modifier la constitution sans consulter directement le peuple gabonais, fragilisant la souveraineté populaire et la transparence.
10. Absence de Droits Sociaux et Économiques Clairs
Le texte reste peu détaillé concernant les droits sociaux et économiques des citoyens. La constitution n’inclut pas de dispositions explicites concernant le droit au travail, à la santé, et à l’éducation de qualité pour les citoyens. En l’absence de dispositions précises, le droit au travail, à la santé, et à une éducation de qualité, bien que mentionnés, risquent d’être sous-protégés. ils manquent de détails et de garanties dans les articles. Sans garanties claires, ces droits peuvent être relégués au second plan dans la gouvernance. Cette absence pourrait compromettre l’application de ces droits dans la réalité.
Une constitution contradictoire et pleine de lacunes
Si la nouvelle constitution gabonaise propose des améliorations, elle présente des lacunes notables qui pourraient affecter l’équilibre des pouvoirs, limiter les droits des citoyens, et freiner le développement local. Avant de l’accepter, les citoyens doivent considérer ces dix aspects pour s’assurer que ce texte incarne véritablement un progrès pour le Gabon et garantit des droits adaptés aux réalités modernes. Les citoyens doivent réfléchir aux conséquences de ces dispositions et exiger des ajustements pour s’assurer que le texte réponde vraiment aux défis contemporains et protège durablement les intérêts des Gabonais.
Cette nouvelle constitution ne reflète pas une démocratie équilibrée. Il faut donc choisir de voter « non » pour encourager une refonte qui renforce les contre-pouvoirs et protège les droits des citoyens.