Alors que le Gabon s’apprête à voter une nouvelle constitution, l’article 167 du texte soulève des questions cruciales quant au rôle des citoyens dans la révision des lois fondamentales du pays. Contrairement à l’esprit de nombreuses démocraties modernes, où la participation populaire est encouragée pour toute modification constitutionnelle, ce projet de constitution introduit un cadre dans lequel le Président de la République peut contourner le vote populaire dans certains cas de révision. Cette disposition pourrait limiter l’expression de la souveraineté populaire et la transparence dans la prise de décisions de grande importance.
1. La Révision Constitutionnelle Sans Consultation Directe des Citoyens
Selon l’article 167 de la constitution proposée, l’initiative de la révision peut être exercée par le Président de la République ou par les membres du Parlement. Cependant, bien que le texte envisage le recours au référendum pour approuver les révisions, il permet aussi au Président de décider, après consultation de la Cour Constitutionnelle, de soumettre la révision au Parlement réuni en Congrès plutôt qu’au peuple.
Cette procédure permet donc d’adopter des modifications de la constitution sans solliciter l’accord direct des citoyens gabonais, et ce, même pour des changements ayant des impacts majeurs sur la gouvernance et les droits fondamentaux. Ce pouvoir discrétionnaire du Président de choisir entre référendum et voie parlementaire réduit considérablement le rôle de la population dans la détermination de l’orientation de la constitution.
2. Des Conséquences sur la Démocratie et la Participation Populaire
La possibilité de contourner le référendum affaiblit la démocratie participative. En démocratie, les révisions constitutionnelles sont souvent perçues comme des décisions qui, pour garantir leur légitimité, nécessitent un large consensus et une validation par l’ensemble de la société. Le choix de se passer de la voix populaire pour certaines révisions affaiblit ce consensus et risque de diminuer la confiance des citoyens envers leurs institutions. Une constitution étant le socle juridique d’une nation, chaque citoyen devrait avoir son mot à dire sur des changements qui influent directement sur la structure de l’État et les droits fondamentaux.
3. Des Limitations Potentielles de la Souveraineté du Parlement
En accordant au Président un pouvoir aussi important, l’article 167 réduit aussi, de fait, la souveraineté du Parlement. La décision du Président de soumettre ou non une révision constitutionnelle au Congrès peut restreindre les débats parlementaires approfondis et réduire l’opportunité pour chaque député et sénateur de représenter les intérêts de ses électeurs dans ce processus. Ce déséquilibre dans la répartition des pouvoirs pourrait donc affaiblir l’efficacité et l’autonomie du Parlement gabonais dans l’exercice de ses fonctions.
4. Les Risques d’Abus de Pouvoir en l’Absence de Contrepoids
L’absence d’obligation de recourir au référendum laisse un potentiel de dérive autoritaire dans les mains du pouvoir exécutif. En effet, en l’absence de consultation directe des citoyens, le Président pourrait imposer des changements structurels majeurs à la constitution sans que la population puisse s’y opposer directement. Bien que la Cour Constitutionnelle puisse examiner la constitutionnalité des révisions proposées, cela ne garantit pas un véritable contrôle démocratique du processus de révision.
Un processus de révision constitutionnelle ambiguë
La procédure de révision constitutionnelle, telle que définie dans l’article 167, marque un recul pour la souveraineté populaire en limitant le rôle des citoyens dans le processus de révision des lois fondamentales du Gabon. Cette disposition donne au Président le pouvoir de décider unilatéralement si une révision mérite d’être approuvée par référendum ou par le Parlement réuni en Congrès, ce qui affaiblit la participation démocratique et peut réduire la transparence dans les décisions qui impactent directement la société gabonaise.
Pour garantir un équilibre plus solide des pouvoirs et renforcer la confiance dans le système constitutionnel, une révision de cet article serait nécessaire. L’obligation de soumettre toute révision constitutionnelle à un référendum permettrait de restaurer pleinement la souveraineté populaire et d’assurer une adhésion large aux changements proposés, renforçant ainsi la démocratie et la participation des citoyens à la gouvernance de leur pays.