Dans la nouvelle constitution gabonaise, les articles 155 à 161 définissent la structure et les responsabilités des collectivités locales. Si la décentralisation est présentée comme un pilier du développement local, ces articles révèlent néanmoins une conception qui limite leur indépendance et maintient un contrôle important de l’État central, remettant en question la capacité des collectivités locales à agir de manière autonome.
1. Une Autonomie Théorique Soumise à l’État
L’article 157 affirme que les collectivités locales s’administrent librement par des conseils élus. Cependant, leur autonomie est soumise à des « conditions prévues par la loi », ce qui place leur fonctionnement directement sous la régulation de l’État central. En d’autres termes, même si les collectivités locales disposent de conseils élus, l’étendue de leurs prérogatives dépend des lois adoptées au niveau national, limitant ainsi leur liberté d’action.
2. Transferts de Compétences Non Accompagnés de Garanties Financières
L’article 157 mentionne également que tout transfert de compétences doit être accompagné de ressources équivalentes. Cependant, le texte ne prévoit pas de mécanisme clair pour garantir que ces ressources seront effectivement transférées en temps et en heure. Sans garanties financières, les collectivités locales risquent de se retrouver avec des responsabilités accrues sans les moyens financiers nécessaires, ce qui affaiblirait leur capacité à gérer les services de proximité pour les citoyens.
3. Le Contrôle de Tutelle : Une Surveillance Permanente de l’État
L’article 161 accorde à l’État un contrôle de tutelle sur les collectivités locales afin de « veiller au respect des intérêts nationaux et des lois ». Ce contrôle de tutelle, s’il est justifié dans certains cas, donne cependant à l’État central un pouvoir excessif sur les décisions locales, permettant de bloquer ou d’influencer des initiatives locales sous prétexte de défense de l’intérêt national. Cette disposition limite donc considérablement la liberté d’action des collectivités.
4. Résolution des Conflits de Compétence Dépendante de l’État
L’article 161 prévoit que les conflits de compétence entre collectivités locales, ou entre celles-ci et l’État, seront tranchés par des juridictions administratives contrôlées par l’État. Sans recours à des instances indépendantes pour la résolution des conflits, les collectivités locales risquent d’être désavantagées en cas de différend avec l’État. Ce déséquilibre réduit leur capacité à défendre leur autonomie face à des décisions potentiellement centralisatrices.
5. Consultations Locales Limitées et Soumises à la Loi
L’article 160 permet aux collectivités locales d’organiser des consultations sur des questions spécifiques. Cependant, ces consultations ne concernent que des sujets hors du domaine de la loi et doivent suivre des conditions strictement encadrées. Cela signifie que les citoyens et les élus locaux ne peuvent pas influer librement sur des questions législatives ou stratégiques, limitant ainsi leur rôle dans la gouvernance locale.
Menace pour l’Autonomie et la Décentralisation
Si l’objectif de la constitution semble être de promouvoir la décentralisation, les articles dédiés aux collectivités locales révèlent une vision de l’autonomie locale étroitement contrôlée par l’État central. En limitant la capacité des collectivités à agir indépendamment, à obtenir des financements garantis et à régler les conflits sans influence centrale, cette constitution pourrait entraver un véritable développement local. Les citoyens pourraient se retrouver avec des conseils élus qui n’ont pas le pouvoir de répondre efficacement à leurs besoins, ce qui soulève la question : la nouvelle constitution favorise-t-elle réellement une décentralisation bénéfique pour le Gabon ?