La gouvernance démocratique repose sur un principe fondamental : la séparation des pouvoirs et l’existence de mécanismes de contrôle pour garantir que les dirigeants exercent leur autorité dans le respect des lois et des droits des citoyens. Cependant, un aspect crucial de la nouvelle constitution gabonaise laisse à désirer : l’absence de véritables mécanismes de contrôle sur le président de la République. Cette lacune soulève des inquiétudes quant à la concentration du pouvoir exécutif et à la possibilité d’abus de pouvoir.
1. Un Président au Pouvoir Excessif
L’un des principaux problèmes de la nouvelle constitution réside dans la centralisation excessive des pouvoirs au sein de l’exécutif, et plus spécifiquement du président. En effet, plusieurs articles confèrent au président un pouvoir de nomination quasi-illimité, notamment pour les postes-clés de l’administration publique, du gouvernement, ainsi que pour les institutions comme la Cour constitutionnelle et les organes de régulation. Cette centralisation est renforcée par des dispositions qui permettent au président de modifier la constitution sans qu’il soit obligé de consulter la population, ou encore de prendre des décisions affectant directement la politique nationale sans véritable contrôle externe.
2. Des Garanties de Responsabilité Insuffisantes
L’un des fondements de tout système démocratique réside dans la capacité à rendre les dirigeants responsables de leurs actions. Or, la constitution gabonaise semble faire défaut en matière de mécanismes de contrôle effectifs sur l’action du président. L’Assemblée nationale, bien que disposant de certains pouvoirs, n’est pas en mesure de contrôler efficacement l’exécutif. Le pouvoir législatif reste trop souvent soumis à l’influence du pouvoir exécutif, surtout avec un système où la majorité présidentielle domine largement le parlement. Le contrôle judiciaire, en revanche, semble également limité, avec une indépendance de la justice qui peut être mise en question, particulièrement lorsqu’il s’agit d’un président en exercice.
En cas d’abus ou de violations des droits fondamentaux, il n’existe pas de procédures claires et efficaces permettant la mise en cause de la responsabilité présidentielle. La constitution ne prévoit pas de mécanismes spécifiques de destitution ou de révocation du président en fonction, à l’exception d’un processus ambigu et complexe qui, dans la pratique, pourrait être difficile à mettre en œuvre sans une volonté politique forte et sans des garanties institutionnelles solides.
3. Une Absence de Contrepouvoirs Réels
Les révisions proposées par cette constitution ne prévoient pas de véritables contrepouvoirs capables de limiter l’influence du président. Alors que la séparation des pouvoirs est un principe clé des démocraties modernes, cette nouvelle constitution semble affaiblir cette séparation, en permettant au président de nommer, de destituer et de superviser une grande partie des institutions publiques, y compris celles censées contrôler son action.
Les partis d’opposition et la société civile sont, par ailleurs, insuffisamment impliqués dans les processus de gouvernance. Les consultations populaires, comme les référendums ou les débats publics, sont rares et ne permettent pas aux citoyens de s’exprimer pleinement sur des décisions politiques cruciales. Par conséquent, l’absence de mécanismes permettant à la population d’exercer un contrôle direct sur le pouvoir exécutif renforce encore la position dominante du président.
4. Les Dangers d’un Pouvoir Absolu
L’absence de contrôles et de contrepoids crée un environnement où le président pourrait agir sans crainte de représailles, ni d’obligation de rendre des comptes. Cela peut mener à des dérives autoritaires et à une gouvernance fondée sur des décisions unilatérales, éloignées des préoccupations et des besoins réels du peuple. Dans un tel cadre, il devient difficile de garantir la justice, l’équité et la transparence.
L’expérience de nombreux pays montre que l’absence de mécanismes de contrôle sur les dirigeants peut conduire à l’établissement de régimes dictatoriaux, où les droits et les libertés des citoyens sont progressivement érodés. Dans un contexte comme celui du Gabon, où la situation politique reste fragile, ce risque d’instauration d’un pouvoir absolu est d’autant plus préoccupant.
5. Le Besoin d’un Contrôle Effectif et d’une Responsabilité
Pour que la démocratie gabonaise puisse prospérer, il est crucial de réformer la constitution afin de mettre en place des mécanismes de contrôle robustes et impartiaux. L’introduction de lois et de dispositifs garantissant l’indépendance de la justice, la séparation claire des pouvoirs et l’existence de procédures transparentes pour remettre en cause l’action du président est indispensable.
Il serait également pertinent de permettre à la population de jouer un rôle plus actif dans la supervision du gouvernement, via des référendums réguliers ou des consultations locales. L’instauration de mécanismes de responsabilité politique, comme un système de « checks and balances » solide, serait une étape importante pour garantir que le président et les autres dirigeants agissent dans l’intérêt du pays et de ses citoyens.
Un Risque pour la Démocratie Gabonaise
L’absence de mécanismes de contrôle effectifs sur le président dans la nouvelle constitution gabonaise représente une menace sérieuse pour la démocratie et la stabilité politique du pays. Si le pouvoir exécutif reste concentré sans surveillance ni responsabilité, le risque d’abus et de dérives autoritaires devient inévitable. La révision de la constitution devrait impérativement inclure des mesures qui permettent de limiter le pouvoir présidentiel, d’assurer une véritable séparation des pouvoirs et de garantir des contrôles indépendants. Une telle réforme est essentielle pour instaurer un véritable État de droit et préserver les principes démocratiques dans le pays.