L’indépendance de la justice est un principe fondamental dans toute démocratie moderne. Pourtant, la nouvelle constitution gabonaise, telle qu’elle est rédigée, met en péril ce principe en permettant une trop grande interférence de l’exécutif dans le fonctionnement et la gestion des institutions judiciaires. Cela pourrait conduire à un affaiblissement de la justice, la rendant vulnérable aux pressions politiques et nuisant ainsi à la confiance des citoyens dans les institutions judiciaires.
1. Un Contrôle Exécutif Sur les Nominations Judiciaires
L’un des points les plus préoccupants réside dans les articles de la constitution qui attribuent au président de la République un pouvoir considérable dans la nomination des membres du pouvoir judiciaire, y compris des magistrats, des juges, et du président de la Cour constitutionnelle.
Cette situation est particulièrement problématique dans une démocratie, car la justice ne devrait pas dépendre d’intérêts politiques ou des pouvoirs exécutifs. En permettant au président de nommer, et donc de potentiellement influencer, les juges, on compromet leur indépendance. Les décisions judiciaires pourraient alors être biaisées, favorisant les intérêts du gouvernement plutôt que l’application équitable de la loi.
2. La Perte de l’Impartialité Judiciaire
L’impartialité du système judiciaire est essentielle pour garantir que la justice soit rendue de manière juste et équitable. Cependant, la nouvelle constitution risque de transformer le système judiciaire en un instrument du pouvoir exécutif. La nomination par le président des juges et d’autres responsables judiciaires crée une situation où les juges peuvent se sentir redevables envers l’exécutif, plutôt que d’être guidés uniquement par les principes de droit et d’équité.
Cela ouvre la voie à une justice qui pourrait être perçue comme partiale, où les décisions judiciaires sont dictées par les intérêts du gouvernement plutôt que par le droit et les faits. Ce phénomène pourrait avoir des conséquences graves, notamment dans le traitement des affaires politiques ou sensibles.
3. Une Cour Constitutionnelle Dépendante du Pouvoir Exécutif
La nouvelle constitution renforce également le rôle du président dans la gestion des affaires constitutionnelles. Le président a un pouvoir de nomination important sur les membres de la Cour constitutionnelle, comme le stipule l’article 123, dans son rôle de président de la république et celui de président du conseil supérieur de la magistrature. Or, la Cour constitutionnelle est censée être l’organe chargé de veiller au respect de la constitution et de garantir les droits fondamentaux des citoyens. Si ses membres sont nommés par le président, cela pourrait remettre en question l’objectivité de ses décisions.
Cela risque de conduire à un système où la Cour constitutionnelle, loin de protéger les citoyens contre les abus de pouvoir, pourrait devenir un simple instrument pour valider les décisions du gouvernement en place. Cette situation menace de nuire à la souveraineté du peuple, car la Cour ne pourrait plus remplir efficacement sa mission de garantir l’équité et l’impartialité des lois.
4. Un Affaiblissement de la Démocratie et de la Confiance des Citoyens
L’indépendance judiciaire est un des fondements de toute démocratie. Lorsque les citoyens n’ont plus confiance en un système judiciaire impartial et autonome, cela peut entraîner une perte de légitimité du système politique dans son ensemble. Si les juges sont perçus comme étant sous l’influence de l’exécutif, cela fragilise la relation entre l’État et la société, et nuit à la confiance des citoyens dans les institutions.
En donnant au président de trop grands pouvoirs sur les nominations judiciaires, la constitution risque de créer un climat de méfiance envers les institutions et de renforcer la perception que les décisions judiciaires sont motivées par des considérations politiques, plutôt que par le respect du droit.
5. Des Garanties Insuffisantes pour une Justice Indépendante
Bien que la constitution fasse des efforts pour encadrer les missions de la justice, elle manque de garanties solides pour protéger l’indépendance des juges et des institutions judiciaires. La seule mention d’un « statut de la magistrature » ne suffit pas à garantir une justice véritablement indépendante. De véritables réformes sont nécessaires pour protéger les juges contre toute forme d’ingérence politique, et pour assurer qu’ils puissent travailler sans crainte de représailles ou de pressions.
Un pouvoir judiciaire aux ordres du pouvoir exécutif
La nouvelle constitution gabonaise, en réduisant l’indépendance du pouvoir judiciaire et en donnant au président un contrôle excessif sur les nominations judiciaires, constitue un recul majeur pour la démocratie et les droits des citoyens. Pour que le Gabon devienne un véritable État de droit, il est impératif de préserver l’indépendance de la justice. Une justice libre, impartiale et protégée des ingérences politiques est essentielle pour garantir les libertés et les droits fondamentaux des citoyens. Refuser cette constitution, c’est protéger l’autonomie des institutions judiciaires et assurer une gouvernance plus transparente et démocratique.